Plusieurs associations, dont La Quadratude du Net et la Ligue des droits de l’Homme, ont saisi le tribunal administratif de Marseille aux fins d’annulation pour excès de pouvoir d’une délibération du conseil régional de Provence-Alpes-Côté d’Azur, prise le 14 décembre 2018, autorisant deux lycées de Marseille et Nice à mettre en œuvre un dispositif de reconnaissance faciale. Ce dispositif devait comparer le visage des visiteurs aux photographies des lycéens afin d’autoriser ou d’interdire l’accès aux lycées et “suivre la trajectoire” des lycéens et des visiteurs à l’intérieur des établissements.
Le tribunal administratif de Marseille a rendu sa décision le 27 février 2020.
Les données de reconnaissance faciale sont des données biométriques, qualifiées de données sensibles par les textes européens et français. Ainsi, la loi Informatique et Libertés de 1978, dans sa version en vigueur, interdit de traiter “des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique” (article 6) et prévoit que “les exceptions à l’interdiction (…) sont fixées dans les conditions prévues par le 2 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016” (RGPD).
Par principe interdit, le traitement des données biométriques est exceptionnellement autorisé lorsqu’il satisfait à au moins l’une des exceptions énumérées à l’article 9.2 du RGPD. Ces exceptions peuvent être ainsi résumées :
Il était clair que le traitement des les visages des lycéens n’avait pas de but médical, juridictionnel, archivistique. Ce traitement ne pouvait donc être justifié, au regard du RGPD, que par l’existence d’un motif d’intérêt public important ou par le consentement des personnes concernées (ou de leurs représentants légaux).
Le tribunal relève que le consentement des lycéens a été recueilli “par la seule signature d’un formulaire, alors que le public visé se trouve dans une relation d’autorité à l’égard des responsables des établissements publics d’enseignement concernés”. Il s’ensuit que ce consentement est contraint et qu’il n’est pas libre et éclairé. C’est comme s’il n’avait jamais été donné.
S’agissant du motif d’intérêt public, la région PACA soutenait que le dispositif de contrôle facial devait permettre la “fluidification et la sécurisation des contrôles à l’entrée des lycées”. Toutefois, le traitement des données sensibles n’est autorisé, dans un logique d’économie des moyens, que s’il n’existe pas d’alternative moins intrusive pour atteindre le but légitime que poursuit le responsable du traitement. Or, selon le tribunal, la région PACA échoue à démontrer que les finalités qu’elle poursuit “ne pourraient être atteintes de manière suffisamment efficace par des contrôles par badge, assortis, le cas échéant, de l’usage de la vidéosurveillance”. Le traitement en cause n’est donc pas nécessaire ; il doit être interdit.
En conséquence, le tribunal administratif annule pour excès de pouvoir la délibération du conseil régional de la région PACA.